Les banques privées suisses prospèrent grâce aux opérations d’intérêt

juin 2023

Les 8 grandes banques privées ont été les plus touchées par les conditions difficiles de l'année dernière, mais ont néanmoins obtenu de solides résultats. Certaines petites banques ont également obtenu de bons résultats. Elles ont transformé leur modèle d'affaires au cours des dernières années, ont réussi à maintenir des coûts stables et à limiter la baisse des revenus de commissions. Le nombre de petites banques peu performantes est passé de 15 en 2021 à neuf l'an dernier.

L’augmentation des revenus d’intérêts a évité à de nombreuses banques de subir des pertes ou d’être classées parmi les banques peu performantes. Cependant, le ratio coûts/revenus et le rendement des fonds propres (RoE) des banques peu performantes restent très élevés, à 97% et 0,1% respectivement. Elles ont jusqu’à présent échappé à une sortie du marché, mais probablement plus pour longtemps. En 2022, les actifs sous gestion des banques privées en Suisse ont diminué de 361 milliards de francs suisses, passant d’environ 3,3 à environ 2,9 billions de francs suisses (-11,1%), après une année record en 2021. Cela s’explique par le recul de l’afflux net de nouveaux capitaux et, surtout, par la performance négative des marchés financiers, conséquence des incertitudes géopolitiques et macroéconomiques accrues. Les « Big 8 » ont perdu 12,7% de leurs actifs sous gestion par rapport à l’année précédente, les établissements de taille moyenne 4,9% et les petites banques 6,9%.

Apports nets de capitaux différents selon la taille des banques
Après une année 2021 forte, les apports nets de capitaux ont été nettement plus faibles en 2022, à 45 milliards de CHF, en raison d’une baisse de 78% des apports nets de capitaux dans les banques du Big8 (année précédente : 131 milliards de CHF). Le groupe des petites banques a surpris positivement : bien qu’elles ne détiennent que 6% des actifs sous gestion du secteur, elles ont généré 17% des nouveaux capitaux nets du secteur l’année dernière. Cela s’explique sans doute par le fait que les petites banques ont mis à profit ces dernières années pour miser sur leurs propres atouts, en affinant encore leur modèle d’affaires de boutique et en conservant la confiance de leurs clients malgré les turbulences du marché et de la géopolitique.

L’essor des opérations d’intérêts offre une bouffée d’oxygène aux banques fragiles
Les revenus des banques privées sont passés de 19,7 milliards de CHF à 19,9 milliards de CHF en 2022 par rapport à l’année précédente, principalement en raison d’une nette augmentation des revenus d’intérêts, qui ont progressé de plus de 50% par rapport à l’année précédente. En 2022, le bénéfice brut n’a que légèrement diminué de 3,4% par rapport à l’année précédente, passant d’environ CHF 5,9 milliards à près de CHF 5,7 milliards. La nette augmentation du bénéfice brut des banques privées de taille moyenne (+17%) et des petites banques privées (+28%) est surprenante.

« Les établissements situés au bas de l’échelle de la rentabilité ont notamment pu souffler un peu grâce à la hausse des taux d’intérêt. Mais cela ne doit pas faire oublier que les défis restent importants pour ce groupe », explique Philipp Rickert, responsable Financial Services chez KPMG Suisse. « Les gains d’efficacité et les investissements dans la numérisation restent des priorités absolues pour améliorer la rentabilité »

Activités de fusions et acquisitions : les gérants de fortune indépendants en point de mire
Même si l’environnement de marché difficile aurait pu plaider en faveur d’une consolidation plus poussée, les fusions et acquisitions se sont maintenues à un niveau modeste en 2022 en raison de l’environnement de taux d’intérêt positif, avec une nette augmentation des transactions avec des gérants de fortune indépendants (GFI) en Suisse. Sur un total de 15 transactions, sept impliquaient des UVV. « L’activité de fusions-acquisitions relativement élevée dans le secteur des UVV n’est guère surprenante compte tenu des exigences réglementaires accrues et d’une base de conseillers vieillissante proche de la retraite », a déclaré le responsable de l’étude, Christian Hintermann, associé Financial Services de KPMG Suisse.

Le nombre de banques privées en Suisse est passé de 92 à la fin 2021 à 89 à la fin mars 2023. Hintermann s’attend à ce que la consolidation se poursuive, car malgré cette bouffée d’oxygène, il reste de nombreuses banques peu performantes.

Perspectives
« En ce qui concerne l’avenir, le défi consiste à croître de manière rentable », déclare Christian Hintermann. Ce n’est pas une mince affaire, compte tenu de la baisse des actifs sous gestion, de la faiblesse relative de l’afflux net de nouveaux capitaux, des possibilités limitées de fusions et d’acquisitions et de la stagnation des ratios coûts/revenus dans de nombreuses banques. En outre, les banques privées suisses doivent faire face aux coûts et à la complexité des activités transfrontalières, à la pénurie de talents et à la numérisation et à la réglementation croissantes.

Contrairement aux grandes et petites banques privées, les établissements de taille moyenne sont dans une situation difficile en ce sens qu’ils ne bénéficient pas de manière significative d’économies d’échelle ni d’un positionnement de niche clair. « Ce groupe de banques privées de taille moyenne est particulièrement sollicité pour affiner son business model », explique Philipp Rickert.

Méthodologie
Dans le cadre de l’étude annuelle « Clarity on Swiss Private Banks », KPMG et l’Université de Saint-Gall (HSG) ont examiné un total de 73 banques privées actives en Suisse et ont évalué la performance de ces établissements ainsi que les principales tendances du secteur.

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