Une nouvelle technique de mesure détecte la corrosion dans le béton armé sans intervention
De nombreuses structures en béton armé en Suisse datent des années 1960 à 1980 et sont de plus en plus menacées par la corrosion. La start-up Talpa de l'ETH a mis au point une méthode innovante permettant d'identifier rapidement les dommages dans les endroits difficiles d'accès - sans avoir à casser le béton. La nouvelle technique utilise des mesures électrochimiques via des tuyaux de drainage et permet un diagnostic rapide et précis.
Les murs de soutènement, les tunnels et les ponts en béton armé caractérisent le paysage urbain et l’infrastructure de la Suisse. Mais nombre de ces ouvrages ont déjà plusieurs décennies d’existence – et les modifications chimiques du béton mettent à mal l’acier utilisé. Si l’acier d’armature commence à rouiller, l’ouvrage perd de sa stabilité. Les dommages sont particulièrement problématiques dans les endroits inaccessibles, où les méthodes de contrôle traditionnelles échouent.
Les mesures électrochimiques, une nouvelle solution
Jusqu’à présent, les ingénieurs devaient casser des parties du béton pour vérifier les dommages causés par la corrosion. Une méthode coûteuse et souvent insuffisante. Talpa a développé une nouvelle méthode qui fonctionne via des tuyaux de drainage. Une sonde spéciale est introduite dans le tuyau et mesure la probabilité de corrosion dans le béton armé environnant à l’aide de signaux électrochimiques.
« Cela n’existait pas auparavant », explique Lukas Bircher, l’un des développeurs. « Jusqu’à présent, il fallait enlever des surfaces entières de béton pour trouver des dommages et on pouvait quand même facilement passer à côté d’une zone critique » Grâce à la nouvelle technique, il est désormais possible de contrôler systématiquement des sections entières de murs, sans destruction ni travaux de construction coûteux.
Mesures en cours d’exécution – sans chantier
La méthode a déjà été testée avec succès, notamment sur un mur de soutènement de 200 mètres de long à Zurich-Höngg. Le principe consiste à introduire une sonde dans le tuyau de drainage et à la fixer à l’aide de joints gonflables. Le système envoie ensuite de l’eau dans la zone de mesure, ce qui crée une connexion conductrice entre les électrodes de la sonde et l’acier du béton. Les signaux électriques enregistrés permettent à l’équipe de déterminer s’il y a de la corrosion et dans quelle mesure.
Une nouvelle mesure est effectuée tous les 25 centimètres afin d’évaluer l’état de l’ensemble de la section de mur. « Cela nous permet d’identifier de manière ciblée les zones qui présentent réellement un danger », explique Bircher. « Cela permet non seulement de gagner du temps, mais aussi d’économiser des coûts élevés pour des interventions inutiles »
50 ans après le boom de la construction – le besoin d’assainissement augmente
Beaucoup de bâtiments en béton armé concernés aujourd’hui datent de la phase de boom entre 1960 et 1980. Les murs de soutènement des années 1970 en particulier contiennent souvent des cavités qui favorisent la corrosion. Jusqu’à présent, les dommages devaient être déterminés à grands frais par échantillonnage, avec un risque élevé de passer à côté de zones critiques. La nouvelle méthode offre pour la première fois une analyse fiable sur l’ensemble de la surface.
De la recherche à la start-up Talpa-Inspection
Le potentiel de cette technologie est tel que Bircher fonde avec deux collègues la start-up Talpa-Inspection. Le nom « Talpa », qui signifie « taupe » en latin, est emblématique de cette manière innovante de mettre en évidence des dommages profondément cachés. Soutenue par une bourse ETH Pioneer, l’équipe continue de développer la technologie et se prépare à entrer sur le marché.
Perspectives d’avenir, automatisation et mise à l’échelle
Actuellement, la mesure est encore partiellement manuelle, mais l’équipe travaille déjà sur une version automatisée. L’objectif est de rendre la sonde plus robuste et d’accélérer encore le processus de mesure. La demande est forte. Rien qu’en Suisse, il y a plus de 1 000 kilomètres d’ouvrages en béton armé potentiellement concernés.
« Notre méthode offre une réelle opportunité de prolonger la durée de vie des structures existantes », explique Bircher. « Nous espérons qu’elle deviendra bientôt une méthode standard pour le diagnostic des structures »