Genève: un modèle qui s’exporte?
L’industrie immobilière fait face à un cadre juridique très dynamique: les réglementations sont en constante évolution et de plus en plus de règles s’imposent aux constructeurs, propriétaires et investisseurs. Quelles sont les particularités que l’on rencontre dans le canton de Genève? Et quelle influence pourraient-elles avoir dans le reste de la Suisse?
A quoi ressemble votre travail quotidien?
Quels sont les sujets immobiliers que vous traitez le plus souvent?
Mon travail est très varié et couvre la plupart des différents domaines du droit immobilier: transactions immobilières, projets de développement, conseils en matière contractuelle (p. ex. contrats d’entreprise ou de bail), négociations en lien avec le foncier (constitution de servitudes, conventions d’usage, etc.), litiges immobiliers civils (p.ex. défauts de construction, problèmes de voisinage) ou administratifs (recours contre des permis de construire notamment).
Au vu de la taille de l’Etude MLL Legal, nous sommes bien positionnés pour conseiller nos clients sur des projets de grande envergure ou sur des questions complexes impliquant une multitude d’acteurs. Ce sont des sujets qui m’intéressent beaucoup. Pour ma part, je tire le plus de satisfaction de mon travail lorsque je parviens à identifier des solutions constructives qui permettent de mettre d’accord toutes les parties pour qu’elles puissent avancer ensemble dans leur projet commun.
Est-ce que la situation juridique pour le secteur de la construction et de l’immobilier a changé ces dernières années, si oui, comment?
Le cadre législatif, notamment en matière de droit public, se densifie et se complexifie rapidement et nous voyons souvent que nos clients peinent à se tenir au courant de l’évolution de la réglementation, surtout s’ils sont actifs sur l’ensemble du territoire suisse.
Au cours des dernières années, ce sont probablement les restrictions adoptées par la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT) en vue d’éviter le mitage du territoire qui ont fait le plus évoluer l’état du droit, de par leur effet sur les planifications locales. Il en va de même des contraintes désormais posées quant à la qualité du bâti (notamment en matière d’efficience énergétique) découlant de la Stratégie énergétique 2050. La législation fiscale, tout comme les règles posées pour l’accès aux subventions, ont également un effet déterminant sur les opportunités à disposition des constructeurs et, par voie de conséquence sur l’ensemble du secteur immobilier.
A Genève, les dernières années ont été riches en rebondissements, notamment en lien avec des modifications de la Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (LDTR) et de la Loi générale sur les zones de développement (LGZD), mais aussi en raison de la modification récente du Règlement d’application de la Loi cantonale sur l’énergie.
Qu’est-ce que le secteur immobilier genevois a que les autres grandes régions économiques suisses n’ont pas?
Le secteur immobilier genevois peut compter sur une dynamique particulière liée à la situation géographique du canton et à son histoire, notamment aux nombreuses institutions qui y sont établies. L’attractivité du canton a une influence importante sur le taux de vacance des logements, qui demeure encore et toujours historiquement bas, en dépit d’une activité de construction soutenue au cours des dernières années. Dans toutes les catégories de logements ou presque, la demande est supérieure à l’offre. Cette situation de pénurie explique pourquoi certains sujets (comme le logement et le droit du bail) sont plus sensibles à Genève que dans d’autres régions. Le fait que le canton affiche l’un des taux taux de propriétaires les plus bas en Suisse (18.7% en 2021 alors que la moyenne nationale s’élève à 36.3% et que ce taux dépasse 50% dans certains cantons) implique également que certaines thématiques soient abordées différemment à Genève.
Qu’est-ce qui rend Genève unique?
Juridiquement parlant, l’un des régimes les plus surprenants pour un investisseur immobilier venant d’outre-Sarine est celui prévu par la LDTR genevoise, qui restreint de façon importante la marge de manœuvre des propriétaires d’immeubles d’habitation (notamment en ce qui concerne les transformations, la vente ou la fixation du loyer après travaux). Il en va de même de la législation relative à la zone de développement, au travers de laquelle l’Etat exerce un fort contrôle sur la production de nouveaux logements dans le canton. Ces réglementations étant en vigueur depuis de nombreuses années à Genève, de nombreuses pratiques se sont développées autour, et elles sont encore en constante évolution. Nous voyons que des réglementations similaires commencent à être adoptées dans d’autres cantons, respectivement parfois au niveau communal. Il y a donc fort à parier que le «cas genevois» pourra servir à l’avenir de référence d’interprétation pour des problématiques similaires pouvant se poser en lien avec ces nouvelles règles.
au sujet de l’auteur
Cosima Trabichet-Castan est avocate spécialisée en droit immobilier et conseille ses clients dans le cadre de transactions immobilières et de projets de développement d’envergure, de même qu’en droit du bail et en droit de la construction. Très impliquée dans l’industrie immobilière suisse, elle a siégé pendant plusieurs années comme juge assesseur au Tribunal des baux et loyers de Genève et siège au sein de l’instance d’appel depuis 2023. Titulaire d’un Master en immobilier de l’Institut d’études immobilières de Genève (IEI), elle est également au bénéfice de la certification de Chartered Valuation Surveyor (MRICS).