Évaluation du marché des taux d’intérêt en mars par Avobis

avril 2023

Le mois de mars a été riche en événements et en surprises. Les chiffres de l'inflation pour le mois de février et la brusque perte de confiance qui s'en est suivie dans le secteur bancaire - avec un accent particulier sur le Credit Suisse - ont entraîné les taux d'intérêt du marché suisse dans un voyage mouvementé. La BNS a toutefois réagi stoïquement et a séparé les deux sujets en augmentant de 50 pb et en maintenant le cap de sa politique monétaire.

Les craintes d’un emballement de la dynamique inflationniste semblent se confirmer. En février, presque tous les neuf segments de l’IPC ont enregistré des hausses de prix par rapport au mois précédent. Cela s’explique par la hausse des prix des services et des biens, quelle que soit leur origine (graphique 1). Aucune détente du renchérissement n’est actuellement en vue et, avec la première adaptation du taux hypothécaire de référence attendue en juin, l’inflation devrait continuer à s’éloigner de l’objectif de la BNS. Le marché a alors ajusté ses anticipations de taux et d’inflation nettement à la hausse, comme le montre la forte inversion de la courbe des taux.

Toutefois, les problèmes de la Silicon Valley Bank, puis du Credit Suisse, ont fait craindre une éventuelle crise bancaire, ce qui a relégué la question de l’inflation au second plan. La crainte que de nouvelles hausses des taux d’intérêt par les banques centrales ne provoquent un effondrement systémique dans le secteur bancaire a également entraîné un changement d’attitude sur le marché suisse des taux d’intérêt, ce qui a entraîné une forte correction à la baisse des taux d’intérêt du marché. Le rachat du Credit Suisse par l’UBS et l’injection globale de liquidités dans le système bancaire ont ensuite partiellement atténué les craintes. Finalement, la décision de politique monétaire de la BNS du 23 mars et le signal qu’elle a donné ont provoqué une certaine désillusion sur les marchés, qui se sont alors recentrés sur la problématique de l’inflation, ce qui a entraîné une nouvelle hausse des taux d’intérêt.

Bien que la courbe des swaps en fin de mois soit à peu près la même qu’en début de mois, la situation de départ a sensiblement changé, comme le montre notamment la hausse de la volatilité des taux attendue en fin de mois par rapport au début.

L’impact des turbulences bancaires sur la croissance économique est incertain. Une baisse de la demande pourrait atténuer les pressions inflationnistes. L’impact sur les conditions de financement est tout aussi incertain, car les banques pourraient se montrer plus prudentes et plus réticentes à prêter. Cela s’apparenterait à une hausse des taux d’intérêt dans la lutte contre l’inflation. Ces effets doivent maintenant être observés et évalués en conséquence, ce qui explique pourquoi la courbe des swaps n’implique que des hausses de taux modérées pour les deux prochaines séances, malgré une inflation découplée.

Nos attentes
L’inflation en Suisse est découplée des conditions habituelles. Le franc suisse en tant qu’instrument de politique monétaire pour lutter contre l’inflation importée n’a qu’une efficacité limitée dans la lutte contre l’inflation domestique croissante. Des mesures restrictives supplémentaires sont donc nécessaires. Si le système financier mondial continue de faire preuve de résilience, une nouvelle hausse de 50 pb pourrait avoir lieu lors de la prochaine réunion. Toutefois, si d’autres risques systémiques apparaissent, une hausse moins importante des taux d’intérêt, voire une pause, pourraient être envisagées. Il est crucial de surveiller attentivement la situation et d’évaluer pleinement différents scénarios.

Etranger
Les inquiétudes croissantes concernant une éventuelle crise bancaire suite à l’effondrement de trois banques régionales aux Etats-Unis ont incité les banques centrales à réagir en injectant des liquidités. Néanmoins, une étude récente indique que le système bancaire américain enregistre des pertes non réalisées de 2 000 milliards de dollars, ce qui remet fortement en question la possibilité de nouvelles hausses de taux. Alors que l’inflation n’est pas affectée par la hausse rapide et inattendue des taux d’intérêt, le système bancaire commence à se fissurer.

La hausse des taux d’intérêt depuis l’année dernière a entraîné une baisse considérable de la valeur des obligations adossées à des créances hypothécaires et d’autres obligations quasiment sans risque, qui constituent une grande partie de l’actif des banques. Une étude montre que la valeur de marché des actifs du système bancaire américain est inférieure de deux mille milliards de dollars à leur valeur binaire. Si l’on ajoute à cela une forte proportion de dépôts non assurés dans certaines banques américaines, la réalisation de pertes pourrait menacer leur stabilité. Si la moitié des déposants non assurés retiraient leurs fonds,
près de 190 banques seraient potentiellement exposées. Les déposants assurés seraient également touchés, avec 300 milliards de dollars de dépôts assurés potentiellement menacés.

Bien que le système bancaire soit actuellement solide, il pourrait manquer de liquidités en cas de panique bancaire, ce qui entraînerait un effet de cascade dans la réalisation des pertes et menacerait finalement la solvabilité. Cela pourrait exposer les banques américaines et les autres à une crise de liquidité imminente. C’est pourquoi la Fed, la BCE et d’autres banques centrales prennent des mesures coordonnées pour renforcer la liquidité.

Le marché anticipe déjà une baisse des taux d’intérêt de la Fed et de faibles hausses de taux d’intérêt de la BCE en raison des craintes de risques systémiques potentiels (graphiques 5 et 6). Cela s’explique, d’une part, par l’effet restrictif de la problématique de la liquidité sur l’octroi de crédits et, d’autre part, par l’aggravation de la problématique de la liquidité, voire l’apparition de risques systémiques dans d’autres domaines, en raison d’une politique monétaire restrictive persistante. Ces deux éléments entraîneraient une baisse de la croissance économique et auraient donc un effet modérateur sur l’inflation. Ainsi, malgré des chiffres d’inflation toujours élevés et des attentes en matière de taux d’intérêt en baisse, les anticipations d’inflation implicites sur le marché n’ont pas augmenté.

Nos attentes
La situation actuelle dans le secteur bancaire semble s’être apaisée dans un premier temps, mais il existe toujours un risque que la hausse rapide des taux d’intérêt depuis l’année dernière pèse sur d’autres secteurs du système financier que le secteur bancaire. Nous excluons donc pour l’instant toute nouvelle hausse des taux. Dans le même temps, nous pensons qu’il est également peu probable que les taux d’intérêt soient réduits. L’inflation reste trop élevée et doit être combattue par une politique monétaire restrictive. En outre, outre le taux directeur, les banques centrales disposent d’un large éventail d’instruments pour faire face à des problèmes tels que les difficultés de liquidité. Pour ces raisons, nous pensons que la Fed fera une pause dans la fixation des taux d’intérêt lors de sa prochaine réunion et qu’elle surveillera de près la situation autour des banques et l’évolution de l’inflation au cours des prochains mois. En revanche, pour la BCE, nous prévoyons une hausse des taux d’au moins 25 pb en raison de l’évolution désastreuse de l’inflation.

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